Il y a un an, le 6 mars était un vendredi. On avait passé la journée à Lausanne avec ma meilleure amie qui était arrivée le jeudi. On s’était baladées, on était allées prendre des cupcakes et des jus chez Melazic qu’on avait dégustés sur un banc de la Riponne au soleil en refaisant le monde. De retour chez moi, on avait préparé un petit apéro qu’on avait pris sur le balcon. Il devait y avoir du guacamole, des chips, des olives, deux Desperados, des cigarettes. On réfléchissait à la destination de notre semaine de vacances habituelle en été. L’Andalousie, déjà fait, la Corse, c’est fait aussi, le sud de la France, pas trop envie, l’Italie, non plus, est-ce qu’on va à Barcelone ? Même si on connaît bien la ville toutes les deux, c’est un lieu qui convient bien à notre lifestyle de vacances. Il fait chaud, on peut manger tard, traîner sur les terrasses, faire la fête. Ok on va à Barcelone. Puis on était allées se préparer. On s’était douchées, maquillées, mises sur notre trente-et-un et on était parties à pied pour le Bleu Lézard où nous attendaient deux copines. J’aime ce sentiment de joie avant ce type de soirée. On était motivées, on était de bonne humeur, on avait la nuit devant nous, on a descendu les escaliers dans un nuage de parfum, on s’est allumé une clope en chemin et on riait déjà beaucoup.
Ce soir-là, j’étais encore de celles et ceux qui pensaient que le coronavirus était une petite grippe. J’étais énervée que le spectacle de Jérémy Ferrari auquel on devait assister la semaine suivante ait été annulé. Ce soir-là, je crois même que nous n’avons pas parlé du virus. Nous étions dans l’ivresse des derniers instants d’insouciance et nous ne le savions pas encore. On a fait une soirée comme on n’en fait plus très souvent et qui finit au bout de la nuit. On a bien mangé, on a bu des cocktails, on a fumé des cigarettes, on a dansé, on a chanté, on s’est beaucoup amusées, on a eu des fous rires. On n’a pas pu entrer au Mad qui n’acceptaient que les membres et on est allées au No Name. C’était il y a un an et c’est la dernière fois que j’ai été entourée d’autant de gens dans le même espace fermé sans masque et sans cette petit voix qui me dit désormais « j’espère que personne n’est malade ». Le genre de scène que je vois aujourd’hui dans les films ou les séries et à chaque fois je pense « ah c’était comme ça avant, ça me saoulait mais c’était cool quand même ». Quand on était collés les un.e.s aux autres au bar pour commander, quand on faisait la file pour aller aux toilettes, quand on discutait avec tout le monde au coin fumeur, quand on était au milieu de la piste et qu’on se faisait bousculer par les ardeurs de danse des autres personnes.
Cette pandémie me rappelle les attentats. On vit presque comme avant mais on a perdu l’insouciance. En tout cas moi j’ai perdu l’insouciance. Depuis les attaques de Paris en novembre 2015 quand j’y vivais, sans ce que soit empêchant ni trop anxiogène, je sais que, lorsque j’entre dans une salle, de cinéma, de concert, je regarde où sont les sorties, je réfléchis juste deux secondes à comment m’extirper de là, au cas où. Ça ne m’arrive pas à chaque fois, mais c’est là. Et c’est pareil avec le virus. Quand je vois des amies, quand je fais des activités, je me dis j’espère que personne n’est malade. Ça ne me gâche pas le quotidien, mais c’est là.
Il y a un an ce soir, je vivais ma dernière soirée normale, deux jours avant mon anniversaire. La dernière fête avant le chaos, les dernières bises. Après, tout s’est emballé. Vous vous souvenez quand, le 15 mars, on pensait que ça allait durer deux semaines ?
Dans deux jours j’aurai trente-quatre ans et j’ai l’impression que mes trente-trois ans se sont volatilisés. Est-ce qu’on pourrait décréter qu’on garde toutes et tous le même âge jusqu’en 2022 ? Ça me paraît plus juste, vous ne trouvez pas ?
J’espère que cette année on pourra partir à Barcelone, on pourra aller au Paléo, on pourra fêter un mariage. J’espère que cet été on pourra retrouver un peu la vie qu’on avait avant, un peu d’insouciance, un peu de légèreté. Et qu’on pourra retourner danser.
Svetlana
Très touchant. Je me rappelle de cette super soirée, on a tellement rigolé. J’espère aussi qu’on pourra faire toutes ces choses cette été!
Melody
Svetlana❤️❤️❤️