Quelle belle et grande journée nous attend demain. La grève des femmes, de toutes les femmes. Des suissesses, des femmes immigrées, des femmes sans-papiers, des femmes transgenres, des femmes cisgenres, des femmes hétéros et des femmes lesbiennes, des ouvrières, des employées, des universitaires, des femmes handicapées et des femmes valides, des femmes avec ou sans enfant. C’est notre grève à toutes et je suis vraiment heureuse que l’on manifeste ensemble à l’unisson en ce 14 juin 2019. Les collectifs ont tellement travaillé cette dernière année pour organiser cet évènement. Merci à toutes celles qui ont œuvré pour rendre cette journée possible.
La société patriarcale nous éduque, en tant que femmes, à être en compétition les unes contre les autres. On se compare, on se jalouse, on nous fait croire que nous devons lutter entre nous pour attirer l’attention des hommes. On nous a confisqué notre sororité (solidarité entre femmes). Combien de fois ai-je entendu des femmes en critiquer d’autres sur leur physique, sur leur manière de se vêtir, sur leur comportement. Le sexisme ordinaire est si insidieux que nous en sommes toutes et tous imprégné.e.s. C’est un grand travail que nous avons à entreprendre, en tant que femmes, pour déconstruire tout cela. Pour nous défaire de ces réflexes que nous avons appris en grandissant, pour cesser de voir les autres comme nos ennemies, pour arrêter de les prendre pour des rivales.
Quand enfin on comprend ces mécanismes, quand on commence à travailler sur ces schémas de pensées, dès lors que notre réflexion là-dessus est enclenchée, tout devient si évident, trop évident. Je remarque aujourd’hui toutes ces petites phrases incisives et quotidiennes de femmes envers d’autres femmes ou d’hommes envers les femmes. Je remarque quand un homme coupe la parole à une femme, je remarque quand un homme fait du mansplaining, je remarque quand on s’adresse à moi avec paternalisme, je relève quand une femme dit d’une autre qu’elle s’habille ou se comporte comme une salope, je remarque à quel point le sexisme est ambiant et partout.
Je vous assure que tout est beaucoup plus chouette quand on intègre la sororité dans sa vie. Essayez, vous verrez. C’est si agréable de s’inspirer des autres femmes. D’admirer leurs forces. De s’entraider. De se tirer les unes les autres vers le haut. D’être bienveillantes entre nous. De se soutenir. De se défendre ensemble contre les agressions. Ça fait tellement de bien. Je vous encourage vraiment toutes à nous rejoindre dans la team meuf. Ensemble, on est définitivement plus fortes.
Parfois je suis découragée, parfois j’assiste à tant de connerie humaine que je me dis qu’on n’y arrivera jamais. Mais quand je vois tous ces mouvements féminins et féministes, quand je vois toutes ces femmes qui s’allient ensemble pour lutter, quand je vois à quel point mes meilleures amies sont féministes, quand je vois ma filleule et ses amies de 19 ans être plus féministes que nous ne l’étions à leur âge, quand je vois les petits garçons autour de moi jouer à la poupée et pousser une poussette sans que leurs parents ne vivent dans l’angoisse qu’ils deviennent homosexuels, je me dis que nous allons y arriver. Un jour, nous arriverons à l’égalité. On luttera. Et on y arrivera.
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POURQUOI FAIRE GRÈVE ?
Parce que nous n’avons toujours pas l’égalité salariale et que 40% de l’écart ne s’explique par aucun autre facteur que celui du sexe.
Parce qu’une femme meurt toutes les deux semaines sous les coups de son compagnon en Suisse et qu’aucune politique n’est mise en place pour lutter contre ces violences sexistes.
Parce que ce sont toujours les femmes qui assument la majorité des tâches ménagères.
Parce que le travail salarié à temps partiel est majoritairement féminin.
Parce que les femmes sont victimes chaque jour de harcèlement de rue.
Parce que la majorité des travailleurs pauvres sont en réalité des travailleuses pauvres.
Parce que le sexisme ordinaire est partout.
Parce qu’en 2019, en Suisse, il n’y a toujours pas de congé paternité.
Parce que ce sont toujours les femmes qui ont la charge mentale de la gestion du foyer.
Parce que les droits des femmes ne sont malheureusement acquis qu’au travers de luttes. Si on ne se bat pas pour nos droits, personne ne le fera pour nous.
Parce que nous devons continuer la lutte initiée par nos mères, nos grands-mères et nos tantes lors de la grève du 14 juin 1991.
Parce que sans ces femmes qui se sont battues pour nous, nous ne pourrions toujours pas voter, nous ne pourrions pas ouvrir un compte bancaire sans l’autorisation de notre mari, nous devrions demander l’autorisation à notre mec pour exercer un travail.
Parce qu’il est temps que nous puissions exprimer notre colère et d’autres sentiments avec véhémence sans être traitées d’hystériques et sans qu’on nous explique ensuite qu’on a parlé « avec trop d’émotions ».
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LIENS
⋅ Je vous encourage chaleureusement à écouter les trois superbes épisodes produits par la RTS et Binge Audio (Victoire Tuaillon qui anime le podcast Les couilles sur la table est venue en Suisse pour interviewer les futures grévistes en compagnie d’Emilie Gasc). On y entend toutes ces voix de femmes et ils sont parfaits pour se mettre dans l’ambiance. C’est beau, c’est fort, c’est émouvant, j’ai ri et j’ai pleuré. Mention spéciale aux chants féministes qui rythment les épisodes.
⋅ Le manifeste reprend et explique en détail les points pour lesquels les femmes se mettent en grève le 14 juin 2019.
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N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. – Simone de Beauvoir.
Et vous, ferez-vous la grève demain ?
Shana
Oui j’ai lu ça. A lire l’article sur le Huffpost ici : https://www.huffingtonpost.fr/entry/en-greve-les-femmes-suisses-veulent-plus-dargent-de-protection-et-de-respect_fr_5cff7fc8e4b06d839dc4d31a?utm_hp_ref=fr-homepage